La lumière du matin baignait ma chambre, l'appartement était silencieux et les gens dehors se saluaient fort. Y avait un goût de (re)commencement, mais pas assez de bruit. Et la paume de ma main gauche me faisait mal. Comme si on avait voulu m'arracher la peau, et que la plaie était à vif.
J'ai voulu chasser cette impression, l'attribuant au malaise qui restait du rêve dont je ne suis pas sûre de me souvenir, et à la boule dans mon ventre qui vient de nulle part, comme un pressentiment.
Mais ma paume n'arrêtait pas d'huler qu'elle avait mal, j'ai fini par entrouvrir les paupières et lever la main devant moi. Je reste sceptique sur le contenu de mon rêve, mais il avait quelque chose et j'avais tellement serré le point qu'un croissant rouge sombre se dessinait sur ma paume.
J'ai grimacé, soupiré, secoué la main, et me suis rendormie.
Maintenant, je n'ai plus de croissant rouge sombre et si mes mains ne sont pas très chaudes, elles ne me font plus mal. Mais la boule, elle, n'est pas partie.
De temps en temps, elle fond, puis, parce qu'un mot, que je ne vois même pas, traverse mon esprit, elle reprend toute sa consistance et j'ai l'impression d'avoir du mal à respirer.
Je cherche encore mon rêve.
Je me demande s'il s'agit de celui avec Monsieur, celui où je montais l'escalier, qu'il attendait en haut. Je crois que j'allais en cours. Il avait pris une quinzaine d'années en quelques mois. Un bonjour, d'usage et souriant, parce que. Et lui répondait de cet air un peu surpris, souriant, comme si bonjour à lui était... Mais il dégageait une tristesse insupportable, ses cheveux avaient viré au gris-blanc, les rides étaient profondes commes des crevasses taillées au burin par quelque personnage indélicat, soucieux de ne pas l'épargner.
Et je me connais, oui, cette image restera dans ma tête jusqu'à demain midi. Il faudra qu'il me sourit.
Puis cette boule.
Des crampes paralysent mon ventre par intermittence, sans que je comprenne cette espèce d'angoisse indicible et immatérielle depuis hier.
Je pourrais penser que mon inconscient me travaille parce que je ne travaille pas, justement. Mais je ne ferais que poser un leurre dérisoire.
Alors je me demande un peu si c'est encore un de ces passages de remise en question. A cause de la rentrée, à cause des vacances qui étaient tellement agréables, à cause de l'apaisement disparu à force, à cause du voile que je pose sur la réalité et qui s'affine pour que je puisse comprendre un peu mieux ce qui est vrai.
Tiens, prends ça dans ta face, et repose tes deux pieds par terre.
Ou peut-être qu'au fond je ne désire pas ce que je désire. Ou bien, je désire trop ce que, je le sais pertinemment malgré de vagues rêveries idiotes, je n'aurais jamais.
Je ne sais pas ce que je veux, et demain j'essairai d'être plus belle, je poserai un sourire doux et double sur mon visage, je ferai attention au maquillage sur mes yeux, à mes cheveux et à ma tenue. Je m'appuyerai contre le mur, un peu cambrée, essayant de me donner un air de, je poserai un regard qui se voudra calme mais double comme le sourire. Et je goûterai encore tout ça.
Puis je repartirai. Pareille.
Avec quelques images en plus.
Peut-être les dernières, même.
Oh ! Ce n'est que la vision réaliste des choses. Parce que je pourrais poser un deuxième voile sur la réalité, histoire de la voir un peu moins.
Je me dirais que cette boule visqueuse, mes doigts qui tremblent un peu en écrivant et mes pensées qui ne se fixent pas, c'est comme l'impression qu'il se passera quelque chose. Un pressentiment, oui.
Je pourrais appuyer tout ça par des arguments à 3 centimes, qui ne valent rien d'autres que leur place dans ma tête. Je dirais qu'il m'est déjà arrivé de penser à comment ce serait et d'avoir raison. Que j'ai déjà fait des scènes dans ma tête qui se sont déroulées ensuite. Après tout, il m'arrive quelques fois d'envisager les choses comme elles sont vraiment. Et de prévoir tout comme il faut. Oui, oui, les mots pareils et certaines attitudes aussi.
Et puis, je pourrais aussi ajouter que c'est étrange, vraiment très étrange, ces pensées qui arrivent brutalement, sans raison, comme si quelqu'un d'autre les mettait à ma place. Que mon inconscient n'est pas si puissant que ça, et si c'est le cas, il doit bien se nourrir d'autre chose que de mes fantasmes ?
Pourquoi ne pas faire valoir ces idées qui me traversent, concernant telle ou telle personne, puis qui s'avèrent avoir été partagées, ou vraies, alors qu'elles n'avaient aucune raison valable d'être là. Quand je pense que. Et qu'elle me dit qu'elle.
Après tout, ce n'est rien qu'une idée comme ça, qui m'a traversée un jour et n'a pas voulu repartir depuis. Qui s'est enfermée d'elle même mais ne peut pas ouvrir la porte de l'intérieur, elle a besoin de quelqu'un d'autre pour la faire sortir. A coups de pieds au cul. Ou par des caresses.
J'ai faim.